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De la Stricte Observance au Rite Ecossais Rectifié – part 2 – O.M.A.T.
O.M.A.T.

De la Stricte Observance au Rite Ecossais Rectifié – part 2

  1. De la Stricte Observance au Rite Ecossais Rectifié – part 5
  2. De la Stricte Observance au Rite Ecossais Rectifié – part 4
  3. De la Stricte Observance au Rite Ecossais Rectifié – part 3
  4. De la Stricte Observance au Rite Ecossais Rectifié – part 2
  5. De la Stricte Observance au Rite Ecossais Rectifié – part 1

II. Le Convent national des Gaules (1778).

 

1. La Réforme de Lyon.

Il se tint à Lyon du 25 novembre au 10 décembre 1778, en présence des délégués  des Provinces d’Auvergne et de Bourgogne, ceux d’Occitanie n’ayant pas jugé bon  de s’y présenter. Il y fut surtout question des hauts-grades et de l’organisation  administrative du Rite.

Le titre “Chevalier bienfaisant de la Cité Sainte” remplaça celui de “Chevalier  templier”. Cette décision, imposée par Türckeim et Willermoz, n’était pas anodine.

Certes la prudence voulait que toute référence à un Ordre condamné par les  prédécesseurs du roi régnant et du pontife romain, condamnation jamais révoquée,  soit, au mieux, camouflée sous une appellation moins compromettante, mais là  n’était pas la raison profonde de cette mesure. Willermoz et ses amis étaient  convaincus que la source des connaissances maçonniques et l’origine de l’initiation  étaient bien antérieures à l’Ordre médiéval, lequel n’avait été que le détenteur  ponctuel et transitoire d’une tradition immémoriale. Les délégués se rallièrent sans  peine à cette décision dès la première séance du Convent, même si certains ne le  firent qu’avec une réticence inavouée (ce fut notamment le cas de Beyerlé, Préfet de  Lorraine et futur adversaire de Willermoz).

La “matricule” (c’est à dire l’organisation territoriale du Régime) des Provinces,  Prieurés et Commanderies de l’Ordre Intérieur fut adoptée dans un grand élan  d’optimisme, sans trop tenir compte des effectifs à vrai dire squelettiques du  système. Le “CodeGénéral del’Ordredes Chevaliers bienfaisants de la Cité sainte” fut  adopté ainsi qu’une “Règle des chevaliers”, aujourd’hui perdue. Les rituels de l’Ordre  Intérieur, préparés par Türckeim, furent approuvés. A l’inverse des rituels allemands,  ils supprimaient les différences basées sur la naissance et admettaient à la  “chevalerie” les bourgeois et roturiers pourvu qu’ils puissent faire état de revenus  substantiels et d’une situation “honnête” dans la société civile. Les “frères à talents”  étaient cependant tolérés, comme dans les loges bleues, à condition que leur  présence soit un véritable bénéfice pour l’Ordre.

Les grades symboliques ne furent pas oubliés pour autant. Un “Code maçonnique  des loges réunies et rectifiées de France” fut approuvé et les nouveaux rituels,  rédigés par Willermoz, ratifiés au cours des 11° et 12° séances (E.Mazet, 1985).

Plusieurs copies de ces rituels sont conservées, dont l’une fait partie du fonds Kloss  de la Bibliothèque du Grand Orient des Pays-Bas (catalogue VII-h-4). Ce qui suit est  basé sur cette copie primitivement destinée au Directoire de Bourgogne et certifiée  par son chancelier, Rudolph Salzmann.

2.Les grades symboliques du Convent des Gaules.

Le tableau de la loge d’apprenti est divisé en deux parties : l’une à l’occident figure le  porche, l’autre à l’orient figure le temple. Elles sont séparées par une balustrade  placée au-dessus d’un escalier à sept marches. Il conduit au pavé mosaïque, situé  en face de la porte d’entrée du temple, qui est fermée, entourée des deux colonnes J  et B. Aux quatre points cardinaux sont placées quatre portes dont celle d’orient, qui  mène au sanctuaire, est elle-aussi fermée. En haut du tableau sont dessinés le soleil, la lune et l’étoile flamboyant laquelle contient en son milieu la lettre G.

“Autour de ce tableau, qui figure l’enceinte intérieure du temple, est tracé à la craie, à  quelques pouces de distance, un quarré long dans la même forme qui figure la  seconde enceinte ou le second parvis. A égale distance de celle-là, il en sera tracé  un autre qui figure la troisième enceinte ou le parvis extérieur dans lequel voyage  l’apprenti. On supprime ce dernier pour les voyages du compagnon et tous deux pour  ceux du maître”.

La loge d’apprenti est éclairée par “trois flambeaux dont deux seront devant les FF. surveillants et l’autre à l’Orient du côté du Midi”. L’innovation mérite d’être soulignée.

C’est en effet la disposition typiquement “écossaise” des flambeaux d’angle,  commune au “Rite Ecossais Ancien et Accepté” et au Rite Moderne Belge. Elle  semble être apparue en Avignon, vers 1776, dans la loge “Saint-Jean de la vertu  persécutée”, loge-mère de la loge parisienne “Saint-Jean du contrat social” qui sera  le berceau du Rite Ecossais Philosophique (cf. R.Désaguliers, 1983). Il ne peut s’agir  d’une simple coïncidence. La proximité dans le temps et l’espace suggère qu’il y eut influence réciproque. Ajoutons cependant que cette disposition des flambeaux était  déjà celle de la divulgation française de 1747, “Les Francs-maçons écrasés…”, texte  énigmatique dont on ne sait trop ce qu’il faut penser mais qui suggère en tout cas  que l’idée était dans l’air depuis quelque temps déjà. J’ai déjà eu l’occasion d’insister  sur le glissement de sens induit par ce déplacement qui confond autour du tableau  les colonnes et les lumières de la loge, je n’y reviendrai pas (cf. G.Verval, 1987,  pp.11-24 ; P.Noël, 1993, pp.61-63).

L’ouverture de la loge d’apprenti se fait par la récitation de répliques de l’instruction et  ne diffère guère de celle pratiquée au Rite Français. Le vénérable tient son épée de  la main gauche, pointe en haut, tandis que les assistants tiennent la leur pointe en  bas. Soulignons l’absence de prière.

Le candidat, dans la chambre de préparation, découvre trois questions “d’ordre” :  Croyez-vous à un seul Dieu, créateur de l’univers, à l’immortalité de l’âme et à la  nécessité des devoirs qui en résultent? Quelles sont vos idées sur la vertu…?  De quelle manière pensez-vous que l’homme puisse se rendre le plus utile à ses  semblables?  Le préparateur, après l’avoir entretenu sur ces question, l’examine sur l’opinion qu’il  se fait de la maçonnerie avant de souligner que son but est “la vertu, l’amitié et la bienfaisance”.

Introduit dans la loge, le récipiendaire déclare “sa religion et son état civil”, sans qu’il  lui soit demandé son nom de baptême. Les voyages, effectués dans l'”enceinte”  décrite plus haut sont ponctués de coups de tonnerre et des trois maximes  aujourd’hui classiques :  L’homme est l’image immortelle de la divinité…

Celui qui rougit de la religion…

Le maçon dont le coeur ne s’ouvre pas…”  Le candidat monte ensuite “de l’Occident à l’Orient à côté du tableau par le Nord, à  pas libres jusque devant la table du Vénérable Maître”. Le serment, pris sur l’évangile  de Saint Jean, est l’occasion de la question suivante:  “Ce livre sur lequel votre main est posée est l’évangile de Saint Jean. Y croyezvous? Si vous n’y croyez pas, quel confiance pouvons nous avoir en votre  engagement?”  En dépit de cette exhortation, le serment ne contient aucune clause de fidélité à la  religion chrétienne. Les châtiments physiques sont omis, omission qui traduit sans  doute le souci d’hommes parfaitement honorables de n’être pas accusés de crimes  imaginaires. C’est le même souci qui poussera le Grand Orient de France à  supprimer les pénalités en 1858, exemple que suivra la Grande Loge Unie  d’Angleterre en 1985 seulement.

La réception se termine par une courte explication du cérémonial et du tableau,  simple ébauche de l’instruction actuelle. Elle ne contient aucune allusion à la  progression cherchant-persévérant-souffrant qui sera introduite à Wilhelmsbad.

Enfin  les secrets sont ceux de la maçonnerie classique du temps, les mots de passe  devenant le “nom” de l’apprenti, du compagnon et du maître.

Au 2° grade le candidat, les yeux bandés et dépouillé d’une partie seulement de ses  métaux, fait cinq voyages “mystérieux” et entend deux maximes, après les 3° et 5°  tours (“L’insensé voyage toute sa vie…L’homme est bon…”). Il est ensuite conduit  devant un miroir caché par un rideau. Après que le vénérable l’a incité à rentrer en  lui-même pour y passer en revue ses erreurs et ses préjugés, le bandeau lui est  enlevé et il contemple son visage “dans le miroir éclairé par un réverbère”. Il gravit ensuite les cinq marches du grade “qu’il demande” avant de les redescendre et de  gagner l’orient par la marche des compagnons (cinq pas en équerre en partant du  pied droit du côté du midi). Le mot du grade est B…. Par contre le “nom” du  compagnon est devenu Gi… sans qu’on sache pourquoi il remplace l’habituel Schi….

Au 3° grade apparaissent le mausolée d’occident et une tête de mort à l’orient.

“A l’Occident sera placé sur le mur ou en relief un mausolé (sic), consistant en une  urne sépulchrale posée sur une base triangulaire et à trois faces. Dans chaque  triangle il y aura trois boules dans les trois angles. Au-dessus du triangle une tête de  mort repose sur des ossements. De l’urne sortira une vapeur enflammée avec  l’inscription “deponit Aliena ascendit Unus”, au-dessous, dans le triangle, on lira ces  mots “Tria formant, Novena dissolvunt”.

Les neuf flambeaux d’angle, disposés comme au grade d’apprenti, ne sont allumés  que lorsque le candidat est couché dans le cercueil. Introduit à reculons, il découvre  le mausolée avant d’entamer neuf voyages, “réduits à trois”, au cours desquels il  écoute trois maximes dont existent plusieurs versions. Il gagne ensuite l’orient par  sept pas, suivis des trois pas du maître. La légende d’Hiram est lue avant le  simulacre du meurtre. Elle est conforme au canon français et l’ancien mot J… est  donné in extenso. Le mot substitué, M…B…, est celui en usage dans la maçonnerie  anglaise dite des “Modernes”, le “nom” du maître est Gabaon.

Au grade de maître écossais seize lumières supplémentaires viennent s’ajouter aux  quatre flambeaux d’angle et aux lumières du vénérable, ici appelé député-maître, et  des surveillants (soit vingt-cinq en tout) tandis qu’apparaissent le double triangle et la  lettre H, disposés au mur d’Orient. Le rituel prévoit deux tableaux dont le premier est  en deux parties : le temple en ruines à l’occident, le temple réédifié par Zorobabel à  l’orient. Le deuxième tableau montre la résurrection d’Hiram entouré non plus de quatre animaux mais du nom des vertus dont ils étaient l’emblème (Bienfaisance,  Prudence, religion et discrétion). La réception, considérablement étoffée, ne diffère  guère de celle en usage de nos jours. L’introducteur présente au candidat les mêmes  questions d’ordre qu’aux grades précédents et l’invite à y répondre  “catégoriquement” avant de lui lier les poignets au moyen d'”une chaîne en fer blanc  dont les anneaux sont de forme triangulaire”. Introduit “en maître” dans la loge,  l’impétrant écoute un premier discours relatant la destruction du temple avant de gagner l’Orient par sept pas, le premier le conduit à la porte d’occident du tableau,  les trois suivants à la porte d’Orient par-dessus le tableau, les trois derniers “en  équerre” jusqu’à l’autel. Après l’Obligation, il est reçu “Maître libre écossais” et reçoit  l’épée et la truelle. Ainsi armé, il oeuvre à la réédification du temple, relève l’autel des  parfums et découvre la lame d’or “qui contient le mot sacré qui était perdu”. Un  deuxième discours lui retrace la geste de Zorobabel et les circonstances de la  construction du second temple, image bien imparfaite du premier. Enfin investi de  l’habit du grade, blanc doublé de vert et bordé de rouge, du cordon vert “mélangé de  rouge” et du bijou (à une face seulement), il entend le troisième et dernier discours,  imprégné de martinézisme à peine voilé, qui compare les “révolutions” du temple de  Jérusalem, “ce grand type de la maçonnerie”, aux états successifs de la destinée  humaine (la gloire de son premier état, la déchéance qui suit la faute, la réintégration  promise aux élus). Celle-ci est annoncée par la résurrection d’Hiram “sortant à demi  du tombeau”. Enfin le symbole du grade, un lion jouant avec des instruments de  mathématiques sous un ciel orageux, et la devise “Meliora praesumo”, à la première  personne cette fois, lui laissent entendre l’existence d’une étape ultérieure dont les  “symboles” seront absents. Les secrets sont ceux de la Stricte Observance mais le  signe se donne cette fois “au front”.

Ainsi furent unis en une synthèse harmonieuse les thèmes de Zorobabel, de la  reconstruction du Temple et de la découverte de la parole “innominable” (empruntés  aux chevalier d’Orient et aux divers “écossais” français) à celui de la résurrection  d’Hiram entouré des quatre animaux emblématiques des “vertus” maçonniques  (propre à l’écossais vert allemand). Willermoz s’en expliqua plus tard dans une lettre  à Charles de Hesse :  “On jugea aussi qu’il conviendrait de conserver sans le quatrième grade les  principaux traits caractéristiques de la maçonnerie française pour servir de pont de  rapprochement avec elle” (lettre à Charles de Hesse du 12 octobre 1781, in Van  Rijnberck, 1935, pp. 166-168) [6].

Pierre Noël

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