O.M.A.T.

De la Stricte Observance au Rite Ecossais Rectifié – part 4

  1. De la Stricte Observance au Rite Ecossais Rectifié – part 5
  2. De la Stricte Observance au Rite Ecossais Rectifié – part 4
  3. De la Stricte Observance au Rite Ecossais Rectifié – part 3
  4. De la Stricte Observance au Rite Ecossais Rectifié – part 2
  5. De la Stricte Observance au Rite Ecossais Rectifié – part 1

IV. Les remaniements d’après Wilhelmsbad.

 

1.Le demi-mensonge de Willermoz.

Le Convent, loin d’être le succès espéré, sonna le glas de la Stricte Observance. Les  loges allemandes rechignèrent à accepter la réforme de Lyon et, pour la plupart, soit  en revinrent à la maçonnerie anglaise soit se tournèrent vers d’autres horizons.

Là  n’est pas notre propos.

Les Français, par contre, voulurent achever le travail entamé. Dans la lettre célèbre  qu’il adressa à Charles de Hesse le 10 octobre 1810, Willermoz s’en explique en des  termes soigneusement choisis qui ne révélaient que ce qu’il voulait bien dire à son  lointain correspondant : “Votre Altesse se rappelle sans doute que le temps que les députés au Convent  général pouvaient accorder pour la durée de cette assemblée étant insuffisant pour  perfectionner la multitude des travaux projetés, on s’occupa d’abord des plus  importantes ; on se borna ensuite à esquisser la réforme des grades symboliques et  des deux de l’Ordre Intérieur. L’esquisse des trois premiers considérés comme  suffisante pour satisfaire la première impatience des loges et des chapitres et leur  faire connaître le véritable esprit qui avait dirigé ce travail fut imprimé et distribué aux députés. Une commission spéciale prise dans le sein de l’assemblée parmi les frères  d’Auvergne et de Bourgogne, connus pour les plus instruits, fut chargée d’en faire  plus à loisir la révision et la rédaction définitive avec la faculté de s’adjoindre à Lyon  et à Strasbourg les frères qu’ils jugeraient les plus capables de leur (sic) aider à  perfectionner ce grand et important travail. La rédaction définitive adoptée par les  trois provinces françaises et celle d’Italie fut présentée à l’Eminent Grand Maître  Général qui l’approuva en 1787. Dès lors, ils furent publiés dans les chapitres de France”. (in Steel-Maret, 1893, p.6).

Ce n’était là que demi-vérité. Selon le Recès, les grades bleus avaient été bel et bien  achevés à Wilhelmsbad, seuls restaient incomplets le quatrième et ceux de l’Ordre  Intérieur. Les chevaliers d’Auvergne et de Bourgogne n’avaient nulle part été  constitués en commission des rituels et Willermoz avait outrepassé le mandat reçu  en remaniant encore les grades bleus. Certes Brunswick avait entériné, en 1787, la  version que le lyonnais lui proposait mais jamais il n’eut connaissance de la rédaction  finale des degrés, achevée l’année suivante seulement.

La version officialisée par l’accord a posteriori du Grand Maître Général est déposée  aux archives municipales de Lyon. Intitulée “Rituel pour le régime de la francmaçonnerie  rectifiée adoptée au Convent général de l’Ordre à Wilhelmsbad en 1782”  (toutes les versions postérieures au Convent portent la mention “adoptée au Convent  général” !), elle porte en première page la précision suivante : “Originaux des grades  maçonniques pour les Archives du Directoire Général de Lyon en juillet  1784…utilisés de 1783 à 1788”, mais 1788 est biffé et remplacé par 1785, date qui  est celle d’une révision dont nous reparlerons. Certifiés par Millanois, ils furent sans  doute utilisés jusqu’à cette date (Ms 5922, bibliothèque de la ville de Lyon).

Publiés récemment par l’I.M.R.E.T.(1987), ils ne s’éloignent guère de ceux adoptés à  Wilhelmsbad. Comme de juste, ils prévoient l’ajout de la religion chrétienne dans la  première question d’Ordre. Pour le reste la seule modification notable est le  déplacement du S.E. au N.E. du triple flambeau d’Orient au troisième grade.

Le 5 mai 1785, le Directoire d’Auvergne décida que le nom de l’apprenti serait  dorénavant Phaleg, suite aux révélations de l'”Agent Inconnu” [11]. Tubalcaïn étant  un ouvrier en métaux, son initiation ne pouvait être qu'”impure”, l’apprenti devant être  dépouillé de ses métaux. Phaleg, descendant de Sem, béni par Noé, était “le  véritable instituteur de la maçonnerie et le premier qui ait tenu loge”.

2. La dernière révision (1787-1788).

La rédaction finale fut achevée par Willermoz de novembre 1787 à avril 1788,  époque qui vit le séjour à Lyon de Louis -Claude de Saint-Martin. Est-ce le  “philosophe inconnu” qui lui inspira cette ultime révision? C’est possible, sinon  probable (je n’affirme rien). L’ancien secrétaire du “Grand Souverain” s’était toujours  tenu à l’écart de la maçonnerie templière, malgré une adhésion tardive et de principe,  et ses ouvrages montrent qu’il était resté très proche des enseignements de son  maître disparu. A-t’il réveillé chez son ami une flamme quelque peu négligée? Des  notes de Willermoz le suggèrent (Dachez et Désaguliers, 1990, pp.16-20). En tout cas la dernière version des rituels bleus, envoyée en 1802 au vénérable maître  Achard de la loge de Marseille “la Triple Union” (Ms FM 418, B.N. Paris), témoigne  d’une imprégnation Coen jamais atteinte jusque là. Elle ne fut jamais, à ma  connaissance, soumise à l’approbation des supérieurs allemands de l’Ordre. Ces  rituels , utilisés de nos jours par les loges rectifiées de la Grande Loge Nationale  française, ne peuvent, en tout état de cause, être présentés comme conformes aux  décision de Wilhelmsbad. Ils s’en éloignent par trop d’innovations qui auraient bien  surpris les délégués au Convent.

Les instruments (équerre, niveau, perpendiculaire) complètent le tableau du premier  grade.

L’Introducteur accompagne le candidat durant ses voyages, avec le second  surveillant.

Le candidat rencontre au cours de ceux-ci les “éléments” (mieux vaudrait dire les  “essences spiritueuses”) : le feu au Midi, l’eau au Nord, la terre à l’Occident.

Cette  péripétie, que ne connaissent ni le Rite Ecossais Philosophique ni le Rite français (  les épreuves-purifications y furent introduits à la même époque mais leur signification  y est toute différente), relève de la cosmologie de Martinez. Le caractère ternaire de  la Création est le reflet de la “Triple Puissance” qui gouverne le monde : la Pensée,  la Volonté et l’Action divine, représentées dans la loge par le triple chandelier  d’Orient. D’après Martinez, l’Univers a la forme d’un triangle dont la pointe regarde  l’occident, chaque angle étant occupé par un des trois éléments fondamentaux de la  matière :  Nord Sud  eau feu  Occident  terre  Au grade d’Apprenti de l’Ordre des Elu-Coens, les trois éléments sont ainsi disposés  autour du candidat, couché à même le sol, les pieds vers l’Orient, et enveloppé dans  trois tapis, noir, rouge et blanc, emblématiques desdits éléments (C.A. Thory, 1812,  pp. 246-247). Le rituel rectifié rappelle cette disposition et souligne que le candidat  parcourt les trois régions en lesquelles le monde est divisé.

Les emblèmes de la Justice (à l’Orient) et de la Clémence (à l’Occident), allusions à  la chute du premier homme et à la condition de sa “réintégration” en son état  primordial, son successivement présentés au récipiendaire lorsqu’il reçoit “le premier  rayon de lumière”.

Au grade de compagnon furent introduits la “vertu” du grade (tempérance) et le rejet  de pièces de métal (fer, airain, argent) qui ponctue les trois voyages du récipiendaire,  usage sans précédent dans la franc-maçonnerie du XVIII° siècle. L’Instruction ajoute  qu’elles devraient être cinq, en conformité avec le nombre théorique de voyages dont  les deux derniers sont épargnés à l’impétrant.

« D :Qu’avez-vousappris dans les trois voyages que vous avez faits?  R : J’ai éprouvé les vices des métaux mais docile aux avis de mon guide, je les ai  jetés à mes pieds, hors de l ‘enceinte du temple et j’ai obtenu des maximes  salutaires.

D : Quels étaient ces métaux?  R : Dans mon premier voyage, j’ai trouvé l’argent au Nord ; dans mon deuxième,  l’airain au Midi et, dans le troisième, le fer à l’Occident.

D : Pourquoi ne vous a-t’on pas fait éprouver l’or qui est le premier des métaux?  R : Parce que l’or étant à l’Orient, les apprentis et les compagnons ne pourraient le  découvrir.

D : Pourquoi ne vous a-t’on pas fait connaître les deux autres métaux?  R : Je ne sais, ayant été dispensé des deux derniers voyages.”  Cette péripétie nouvelle était empruntée au grade de Maître élu, quatrième grade de  la hiérarchie coen qui en contenait onze (R.Dachez, 1981, pp. 189-191).

L’épreuve la  plus remarquable du rituel est un ensemble de cinq serments que doit prêter le  récipiendaire, aux quatre points cardinaux puis au centre du temple. Chacun se  termine par la formule “Abrenuncio” et le rejet d’une pièce de métal : de plomb à  l’Occident, de fer au Septentrion, de cuivre au Midi, d’or à l’Orient et d’argent au  centre. L’ordre des métaux diffère mais l’inspiration est bien reconnaissable.

Le troisième grade, inchangé dans l’ensemble, voit l’introduction de la vertu de  prudence qui complète l’énumération des vertus cardinales.

3. Le grade de maître écossais de Saint André.

Il ne fut achevé qu’en 1809 par Willermoz alors âgé se 79 ans et devenu bien seul :  “J’ai annoncé plus haut à Votre Altesse que le travail de rédaction presque fini du 4°  grade avait été forcément suspendu en 1789…Vingt années se sont écoulés en cet  état, mais l’année dernière après la grande maladie que j’essuyai me voyant rester  seul de tous ceux qui avaient participé à cet ouvrage, effrayé du danger que je  venais de courir et sentant vivement toutes les conséquences fâcheuses qui en  résulteraient si cette lacune dans le régime rectifié n’était pas rempli avant ma mort, j’osai entreprendre de le faire” (in Steel-Maret, 1893, pp. 12-13)  Dans cette lettre adressée en 1810 à Charles de Hesse, le patriarche lyonnais  rappelait que le Convent n’avait arrêté que les bases du quatrième grade, avec le tableau de la Nouvelle Jérusalem et la montagne de Sion surmontée de l’agneau  triomphant. Par contre, il s’abstint soigneusement d’ajouter que les “discours” et  l'”Instruction finale”, entièrement de sa main, constituaient une introduction très  complète à la doctrine de Martinez et un excellent prélude aux enseignements de la  (Grande) Profession, que n’avaient jamais, et pour cause, prévus les députés au  Convent.. De fait ces textes étaient l’occasion d’expliciter enfin la filiation spirituelle  de l’ensemble de l’oeuvre.

Le grade lui-même ne s’écarte guère de l’ébauche de Wilhelmsbad. Le quatrième  tableau et son évocation de l’Apocalypse, la référence à saint André paraissent bien  appropriés à un grade de transition qui “figure le passage de l’Ancien au Nouveau  Testament”. Rien là de bien neuf. Au-delà même de l’ébauche du Convent,  Willermoz n’avait qu’à puiser dans ses souvenirs : le dernier grade du chapitre des  chevaliers de l’aigle noir n’était-il pas, en 1761, la “chevalier de Saint André” (A.Joly,  1938, p.9). Quant à la Nouvelle Jérusalem, elle apparaissait au grade de “Sublime Ecossais” (source probable du 19° degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté) qui  avait pour thème “une haute montagne où il y a une ville carrée qui a douze portes”  (lettre de Meunier de Précourt, 1761, in Steel-Maret, 1893, p.75). Ces  développements permettaient à Willermoz d’affirmer “L’Ordre est chrétien, il doit l’être  et ne peut admettre dans son sein que des chrétiens ou des hommes libres disposés  à le devenir de bonne foi”.

L’instruction était aussi l’occasion de définitions dont le style et la conception  semblent empruntées aux catéchismes en usage dans le diocèse de Lyon à l’époque  (J.Granger, 1978, in “La Franc-maçonnerie chrétienne et templière des Prieurés  Ecossais Rectifiés”, 1982). Ainsi en va-t-il des Juifs exclus “religieusement” du Rite,  de la fraternité limitée aux seuls maçons chrétiens, de l’Ancienne Loi considérée  comme “abolie”. Toutes, notons-le, furent introduites tardivement (les rédactions antérieures les ignoraient) alors que s’affirmait le messagemartinéziste. .

Le patronage de Saint André permit aussi l’achèvement de la médaille du grade.

Jusque là, elle n’avait qu’une face avec le double triangle et l’initiale du nom d’Hiram,  comme le montre la médaille de maître écossais de Willermoz conservée à la  bibliothèque municipale de Lyon. Depuis la révision finale, elle présente à son revers  le martyre de l’apôtre sur la croix “en sautoir” qui porte son nom.


 

Pierre Noël

Lascia un commento

Questo sito usa Akismet per ridurre lo spam. Scopri come i tuoi dati vengono elaborati.

Commenti recenti

WP2Social Auto Publish Powered By : XYZScripts.com